Les réalités de l'Afrique ont été pendant longtemps au centre des écrits. Des valeurs auxquelles en ce 21ème siècle, on accorde peu d'intérêt. Des auteurs se sont évertués, se sont assignés comme mission de sauver les générations à venir à ne pas sombrer dans les abysses de l'ignorance. Au nombre de ces auteurs, figure Robert Édjamian qui, tel un Félix Couchoro dans L'Esclavage, tranche la question de l'adultère. Les deux auteurs ont mis au centre de leurs intrigues, deux jeunes femmes : Akoêba, quatrième et dernière épouse et Edwige, cinquième épouse qui ont commis l'adultère avec leur beau-frère : double crime. La cinquième épouse qui fait donc l'objet de notre présentation, nous plonge dans la société africaine avec ses nombreuses réalités.

De l'amour à la polygamie, de la solitude à l'adultère, de la sorcellerie à la mort en séjournant dans un univers où règnent nos valeurs culturelles, Robert Edjamian fait lumière sur toute la richesse et la densité de nos interdits, us, coutumes et valeurs morales de la société africaine qui sont entre autres sa visée scripturale dans son roman La cinquième épouse publié aux Éditions Vénus d'Ébène en 2019. Subdivisé en 9 chapitres et étendu sur 142 pages, il retrace l'histoire de Edwige, une jeune fille à la beauté envoûtante qui devint la cinquième épouse de Alain Bousso à la suite d'un coup de foudre. Étant bien éduquée et pleine de dignité, dès qu'elle rejoignit le foyer polygamique, elle devient son épouse favorite au milieu des quatre autres. Le voyage d'Alain et sa longue absence commençaient à la déprimer. Cette solitude la mettait mal à l'aise. Mais le véritable cauchemar commença un soir où, elle fut surprise nue sous  la douche par son beau-frère Francis. L'on pouvait se poser la même question que l'auteur : << Les six mois de privation sexuelle excusaient-ils l'appétit vorace qui amena Edwige à faire éperdument fi des vertus tant attendues de toutes les femmes en général et de l'épouse africaine en particulier ? >> (Page 44). La découverte de sa nudité tourmenta Francis, lui qui nourrissait en silence le désir de la toucher, mais c’est Edwige même qui finit par le contraindre à l'irréparable: <<  Il sentit Edwige plaquer la tête contre sa poitrine et se serrer davantage contre son corps. Par désinvolture ou par provocation, fortuitement ou exprès, son pagne se dénoua et tomba, la dénudant complètement. Cette fois-ci, Edwige ne s'en soucie point. Elle caressait déjà, de ses mains fines et expertes, la poitrine de Francis qui ne comprenait plus ce qui lui arrivait. Edwige ne lui en laissait d'ailleurs pas le temps. Elle l'entraînait déjà à l'intérieur.>> (Pages 42-43)

A partir de cette nuit, les deux amants se livraient l'un à l'autre chaque soir jusqu’au retour d’Alain. Ce retour allait semer la panique dans le cœur des deux nouveaux amants. Dans l'espoir de rendre de nul effet tous les malheurs qui s'abattraient sur lui lorsque Alain se rendrait compte qu'il a été cocu, Francis alla s'armer spirituellement chez Awonon, le grand sorcier de la localité. Malheureusement, il fut anéanti par Azénonla, le fétiche protecteur de ce dernier. Dépassé par la hantise de l'esprit d'Azénonla, Francis fut contraint aux aveux.

L'œuvre suscite plusieurs interrogations à la vue de son titre. Qui est la cinquième épouse et pourquoi l'avoir préférée  pour porter le titre de l'œuvre ?

Sur la première page, donc la couverture, on voit la silhouette d'une jeune femme. Sans doute la  silhouette de la cinquième épouse qui présente ses rondeurs qui ont ensorcelé le beau-frère.

À l'écriture réaliste et épurée, l'auteur conçoit son roman sur une belle terre prometteuse de destination touristique sans oublier de retracer les belles couleurs que présente le marché de Covè. Étant lui-même originaire d'Agonlin, l'auteur a apporté une touche particulière à la révélation de la gastronomie de cette localité qu'il magnifie: << Elle arrivera au centre du marché et fut littéralement accueillie par l'arôme bienfaisant des Kluikluis...>>( Page 26)

    Agonlin est reconnu comme la gastronomie économique du Kluikluis, ces galettes d'arachides pimentées aux saveurs indescriptibles. Plus loin, l'auteur révèle le côté mystérieux qui est spécifique aux agonlinous: << Personne ne pensa, en ce moment-là, qu'Awonon donnait un ultimatum à Awado et que deux jours plus tard, il passerait de vie à trépas, asphyxié par une petite carpe qui, au cours d'une partie de pêche, sauta de sa nasse au moment même où il essayait de l'attraper, pour miraculeuse trouver un passage au travers de sa bouche et se loger dans sa gorge, en formant une boule similaire au azéka d'Awonon. Malgré tous les efforts déployés par ses compagnons pour lui enlever le poisson de la gorge, Awado mourut ce jour-là,  goitre au cou. >>( Pages 65-66)

La mort d'Awado n'étant pas naturelle, l'auteur serait-il en train de donner raison aux rumeurs qui circulent et font croire que Agonlin est le sommet de la sorcellerie, le temple des pouvoirs occultes et ésotériques?

Le roman résonne non seulement comme un appel à la vigilance à ces jeunes femmes qui, dans leurs foyers se laissent manipuler par faiblesse mais rappelle également qu'un énorme respect doit être accordé à nos interdits. Voilà la cinquième épouse dans toute sa splendeur empoisonnée.

Le chiffre 5 serait- il celui de l'excès ?

L'auteur serait-il en train de donner une limite à la polygamie ?

Alain allait-il pardonner l'adultère de sa femme ?

Et Francis, quel sort lui serait-il réservé ?

Pour trouver réponse à ces interrogations, je vous invite à lire ce livre qui maintient le lecteur en haleine du début jusqu'à la fin.