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JUSQU’AUX ENFERS… de Modeste Hêdji, un chemin vers la lumière ?

JUSQU’AUX ENFERS…

L’un est venu asphyxier l’autre, créant au passage un bouleversement profond. Un chemin vers la lumière soit disant, mais qui s’avéra être la route de l’abysse pour le vieux continent. La colonisation a créé une déchirure qui a du mal à se refermer jusqu’à ce jour. L’opposition n’a pas duré longtemps. Résultat final : l’acculturation. Un peuple qui s’identifie autrement et qui se refuse être ce qu’il doit être, enfonçant de plus en plus le clou de la perdition. Comment y parer ? Sur 125 pages, Chams Modeste Hêdji confronte ces deux mondes opposés et… je vous propose une immersion pour plus de détails.

Affliction, douleur, lamentations, optimisme teinté de pessimisme, ainsi sont les points clés de la première scène de l’œuvre. Une première qui présente la famille Dossou frappée par l’adversité. Leur fille, Marie-Lux, a été renversée par un chauffeur ivre, et toutes les dépenses effectuées pour l’aider à recouvrir sa santé s’avèrent infructueuses, inutiles, sans effet, vaines.

« Pourquoi moi ! Pourquoi ma fille ? Après tant d’investissements humain, financier et spirituel, tant de dépenses exorbitantes, tant de prières. Pas de résultat concluant. » p.21

Famille chrétienne, foi mise à l’épreuve, ils ne perdaient pas espoir. Et c’est à partir de là que tout va commencer par devenir fascinant. L’essence de l’œuvre va commencer par se dévoiler.

La médecine moderne n’avait pas réussi à résoudre le problème. Face à cette situation pénible qui ne laisse prévoir aucune issue, Gaston Bogbé, ami de Franck, va lui proposer de recourir à la tradition, le local, pour trouver une solution efficace. Certes, fervent chrétien, il n’acceptera pas la proposition, ainsi que celle proposée par son cousin, Jacob.

Il voit dans ces pratiques culturelles un obscurantisme sans faille et qualifie tous les acteurs de sorciers. Il ne veut pas mettre sa famille en danger.

Mais le mal de sa fille persistant, il finira par se raviser en décidant de suivre la proposition de son cousin, faire soigner Marie-Lux par leur grand-père tradithérapeute. Il restera toujours sur ses gardes car il voit la sorcellerie en tout, et le village est pour lui le sanctuaire, le bastion de l’occultisme. 

« Il n’y a rien de sérieux au village. Les pratiques et les cérémonies qui s’y font sont obscures. Je me méfie de ceux qui s’y trouvent comme on se méfie de la peste, même des membres de ma famille, à cause de leur mauvais œil. Ce sont, pour la plupart, des sorciers. Ils détruisent beaucoup de vies par méchanceté, jalousie ou vengeance. Ce sont des gens aux paroles mielleuses, mais au cœur meurtrier. » Pp.37-38

A côté de l’acculturation, il faut retenir que l’auteur ne manque pas de dépeindre aussi le sombre tableau de l’africain. Ce côté obscur utilisé par l’homme pour nuire à son prochain. 

Il va se rendre nolens volens au village pour voir le vieillard en compagnie de son fils, Jean-Lux. Mais une fois sur les lieux, leur ignorance colportée depuis la ville et basée sur des stéréotypes, sera mise à nue et lavée par le grand-père. Il va leur faire la lumière sur plusieurs questions. Questions qui les maintenaient dans l’ombre depuis longtemps.

Le dessein de l’Occident a été atteint puisque le colonialisme avec un travail mené par les missionnaires a légué au vieux continent l’occidentalisation comme héritage. Un héritage qui n’est en rien profitable à l’Afrique, car il n’a fait que contribuer à la perdition de l’africain, l’acculturation quasi-totale. 

« Un divorce dont le colonialisme portait le projet depuis sa conception. Et aujourd’hui encore, l’Occident, par des moyens et astuces détournés et subtils, continue de travailler à appâter la jeune génération. » p.70

Et bien-sûr que les conséquences se font sentir et ressentir à plusieurs niveaux. Une occidentalisation destructrice sur presque tous les fronts. Victimes aidant même à l’asservissement complet. 

« C’est aussi l’une des caractéristiques de l’acculturation. Beaucoup de parents ne trouvent plus pertinent aujourd’hui le fait de donner un prénom de ‘’chez nous’’ à leurs enfants. Ils ont l’impression de prolonger un monde trop vieux, bon à mourir. Ils l’évitent à dessein, préférant exclusivement les prénoms ‘’tout faits’’ des petits blancs. » p.71

« Un peuple ne se reconnait-il pas à sa langue ? Et la langue entretient, je crois, un commerce assez intime avec la pensée. Devient-on Français en parlant exclusivement la langue française ? » p.72

Et c’est ça le ‘’Jusqu’aux enfers…’’ dont il est question. La cassure est profonde, et tout ce qui se fait comme réaction pour limiter les dégâts est : rien. L’acculturation poursuit son chemin jusqu’aux abysses.

Si Jean-Lux sortait enrichi de ce passage au village, son père quant à lui restait sceptique et méfiant face au produit concocté par le grand-père.

« Moi, je n’ai toujours pas confiance. Il faut d’ailleurs qu’on prie. On va prier sur la pommade. Prions. Je ne sais tout ce dont ce produit est fait. Prions pour annihiler les forces du mal qui, sans doute, s’y trouvent.» p.91

Cette méfiance va être doublée de mépris et de regrets quand Marie-Lux va commencer par réagir au produit. Réactions inhabituelles.

« As-tu au moins remarqué le gonflement et la rougeur au niveau de ses articulations ? T’es-tu rendu compte qu’elle ne fait que de la fièvre, qu’elle n’a que des frissons tout le temps maintenant ? Jusque-là l’as-tu entendu autant se plaindre des douleurs chroniques ? Elle ne passe que des nuits blanches en criant, en hurlant comme si elle était tourmentée… »p.105

Le père va rester ferme et soutenir que c’est la sorcellerie pendant que le fils évoquera un premier pas vers la guérison de sa sœur.

 Qui des deux a raison ? Le produit fonctionne-t-il réellement ? Marie-Lux guérira-t-elle ou la mort viendra-t-elle la ravir à sa famille ?

Lecteur.s, je vous laisserai le soin de découvrir les réponses en lisant l’ouvrage et parallèlement, vous faire vos propres opinions.

 

 

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Kimbata NAli NANDI

Passionné de littérature et originaire de Tanguiéta dans le département de l'Atacora, Kimbata Nali NANDI est un étudiant en troisième année Lettres modernes à l'Université de Parakou.

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