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Parcours édifiants et opinions de Dr. John Aoga

CS : Bonjour à vous. Merci de nous avoir accordé cet entretien. Vous êtes informaticien. Veuillez s'il vous plaît permettre à nos lecteurs de mieux vous connaître.

JA : Je suis John Aoga, enseignant, chercheur en science des données et en intelligence artificielle et cofondateur de Machine Intelligent For You (MIFY SARL). Je suis activement impliqué dans la vulgarisation de l'IA et de la science des données en Afrique et dans le développement d'applications à impact social en Afrique pour l'Afrique. Je m'engage également à aider les groupes vulnérables à travers l'éducation et le sport.

CS : Dr. Aoga, quelle est votre spécialité en Informatique et en quoi consiste-t-elle ?

JA : Ma spécialité est : Intelligence Artificielle et Science de données. Cela consiste à s'appuyer sur les expériences du passé (les données) pour servir de base pour les décisions futures (data-driven decision). Je suis plus spécialisé dans la conception d'algorithmes et modèles capables de faire ça efficacement.

CS : Vu votre expérience, pouvez-vous partager une anecdote marquante de vos débuts dans l'informatique, une expérience qui a forgé votre passion pour ce domaine ?

JA : Quand j'étais en seconde, un de mes cousins venant du Nigeria m'a offert un CD pour apprendre Vb en me disant que c'était l'avenir, mais c'était en anglais. J'ai peut-être réussi à afficher une ou deux choses à ce moment-là. Puis j'arrive en première année d'université où je rencontre un étudiant qui s'amusait à écrire une calculatrice en C en suivant les tutoriels sur le site du zéro (OpenClassrooms de nos jours). Je suis devenu tout fou, car je me suis rendu compte que les choses sur lesquelles je butais étaient à ma portée. Cela a été le début de tout ce que je suis devenu aujourd'hui. Avec le recul, c'est le jour le plus heureux (professionnellement parlant) de ma vie.

CS : Dites-nous, qu'est-ce qui vous motive le plus aujourd’hui dans le domaine de l'informatique ?

JA : La capacité à travers ce que je fais à apporter des solutions concrètes à des besoins concrets. Par le passé, il y a eu plusieurs révolutions (industrielles, numériques) et à chaque fois, on ne pouvait pas prendre le coche parce qu'à chaque fois, il faut des investissements très lourds pour commencer. Aujourd'hui avec un PC, on peut commencer à développer des modèles pour résoudre des problèmes, donc c'est une opportunité unique à saisir à tout prix.

CS : Quelles actions entreprenez-vous au quotidien pour atteindre l'excellence dans votre travail ?

JA : Apprendre de nouvelles choses, car notre domaine évolue à une vitesse V et un jour de sommeil équivaut à plusieurs années de retard. Mais ce n'est pas une course effrénée, car la philosophie même de l'informatique est de rendre la vie facile aux gens. Donc, apprendre de nouvelles technologies à ce niveau ne peut que vous permettre d'aller plus vite si vous savez vous en servir judicieusement. C'est comme tous les GPTs d'aujourd'hui là.

CS : Si vous deviez donner un seul conseil à un étudiant débutant dans votre spécialité ou en Informatique, quel serait-il ?

JA : Pratiquer, pratiquer et pratiquer encore ce qui vous passionne, vous deviendrez la pointe internationale et rendez-vous au sommet.

CS : Pouvez-vous partager une expérience d'échec professionnel dans votre carrière et expliquer comment cela a contribué à votre croissance en tant qu'expert ?

JA : Quand je vois les gens aujourd'hui qui se targuent d'expert dans le domaine (et sérieusement, je ne vois pas comment), je crois qu'en tant que fin technicien, on se dit que les choses ne sont jamais assez bonnes pour qu'on les présente devant le public et ça finit par mourir dans notre PC et on passe comme ça à côté de choses bien. Par exemple, je me souviens dans mes premières années de webmaster, j'en avais marre d'écrire à chaque fois les mêmes choses pour développer un site web avec les nombreuses demandes que j'avais, donc j'ai développé un mini-framework et si tu conçois ta base de données, je pouvais déjà te générer tous les modèles et contrôleurs et te laisser ensuite quelques options pour générer un espace membre et d'autres petits trucs comme ça. C'est ça la base aujourd'hui dans beaucoup de frameworks. Ce travail, je ne le partageais qu'avec des développeurs proches de moi et je ne l'estimais pas assez bon pour être mis en public. Même jusqu'à aujourd'hui, je crois que le personal-branding et moi, c'est deux.

CS : Face à l'évolution rapide des technologies, comment maintenez-vous vos connaissances constamment à jour et restez-vous prêt à adopter de nouvelles approches dans votre domaine ?

JA : Je crois avoir répondu à cette question plus haut. Mais je peux ajouter que je suis abonné à des newsletters et je fais une veille en utilisant les recommandations que me font Google. Et oui j'adopte des nouvelles technologies aussi. Tant que celles-ci me permettent d'aller plus vite tout en gardant une certaine stabilité, je suis preneur. Juste garder à l'esprit d'être assez critique pour ne devenir esclave de rien.

CS : Vous faites de la veille. Comment faites-vous pour intégrer l'apprentissage continu dans votre routine, et quels conseils donneriez-vous aux étudiants pour maintenir cette habitude ?

JA : Je les planifie. Et quand je fais la même chose pendant un certain temps, je me demande parfois si les gens n'ont pas déjà pensé à améliorer ça et bam, j'apprends de nouvelles choses.

CS : Selon vous, quelles sont les tendances émergentes les plus passionnantes dans votre spécialité, et comment les professionnels de l’informatique peuvent-ils se préparer à ces évolutions ?

JA : L'intelligence artificielle et les sciences de données ne sont qu'à leur balbutiement dans leur cours aux changements de notre temps.

CS : Quelles sont vos réalisations les plus significatives dans le domaine de l'informatique ?

JA : L'arrivée de GPT4 est un vrai point d'inflexion dans l'évolution positive dans l'univers des possibles dans le futur. Les voitures automatiques et les premiers rovers sur Mars (un environnement qui nous est inconnu initialement) et l'introduction des robots dans la chirurgie (le Bénin peut être fier de ROSA et de son inventeur Bertin Nahum dans ce sens).

CS : Parmi celles-ci, laquelle avez-vous trouvée la plus mémorable au cours de votre carrière, et pourquoi ?

JA : Comme je l’ai dit, j’interviens principalement dans la conception de nouveaux algorithmes d’IA et de science des données. Dans ce sens, mon travail scientifique le plus mémorable est celui de 2016 où j’ai conçu une nouvelle famille d’algorithmes en fouille de séquences fréquentes qui est devenue la référence, l’algorithme le plus efficace au monde mettant fin à un règne sans partage de 20 ans de l’algorithme que je suis venu détrôner. À part cela, ces dernières années, je me suis intéressé à des applications concrètes pour résoudre des problèmes en Afrique, notamment un système intelligent d’auto-diagnostic du COVID par appel téléphonique (avec MIFY), un système de prédiction d’AVC (qui a récemment remporté le premier prix de l’innovation, en pleine mise en œuvre) et un robot intelligent d’assainissement des eaux usées (en pleine réalisation également, qui a récemment reçu un financement à l’innovation). 

CS : Comment abordez-vous les questions d'éthique et de responsabilité dans le développement de nouvelles technologies ?

JA : C'est très important ! Plus important même que les approches elles-mêmes. Nous devons être critiques de ce que nous lisons, entendons et obtenons des IA. Ne pas devenir addict, ni esclave de la technologie, se définir le bon rapport à tout ça. Il faut être conscient que ces outils ne sont pas là pour nous servir de béquille, il faut faire sa part du travail, ne pas être paresseux. Il faut être aussi conscient des implications éthiques (empreinte carbone et changement climatique, vie privée, biais, impact sur les minorités, etc.)

CS : Souvent citée, la maxime "Après le travail, le réconfort" reflète les aspirations actuelles des jeunes à être embauchés dans une entreprise pour y trouver satisfaction ou à entreprendre. Comment, selon vous, devraient-ils procéder pour concrétiser ces ambitions ?

JA : Je suis désolé de décevoir les gens ici, car : Il faut que ça soit clair aujourd'hui pour tout le monde que "j'ai mon diplôme donc le travail va suivre" est fini. Ça marchait au temps de nos parents parce qu'il y avait plus de boulots que d'hommes instruits, aujourd'hui ce n'est plus vrai. Aujourd'hui, il faut se battre pour se positionner. Tous les autres sont obligés de se réorienter. Je connais plein d'étudiants qui ont trimé pour avoir un diplôme et finir par aller vendre strings et cravates pour se gérer (rire). Pour moi le vrai problème aujourd'hui c'est que les jeunes n'ont plus de repère. Pour moi, se battre aujourd'hui signifie avoir un but dans la vie, être prêt à se battre pour et trouver le set de compétences qui vous rend unique et donc compétitif, là, vous gagnez ! Mais cela n'est pas non plus gage de "après le travail, le réconfort". Car c'est embêtant de voir les choses sous un angle. C'est comme si c'est quand on a fini de tout faire qu'on gagne le bonheur (genre en mourant). Pour moi, le bonheur, c'est un état d'esprit qu'il faut cultiver chaque jour : trouver la joie dans ce que l'on fait (se réjouir de petites victoires tout en étant conscient des défis qui arrivent) et se donner du temps pour soi-même et pour les gens que l'on aime pour créer une stabilité émotionnelle qui vous pousse vers l'avant et ceci peu importe l'âge. Je n'ai pas peur de continuer à travailler à 90 ans, car je me dis que ferais-je si je m'arrête ? C'est l'ennui qui va me tuer ! Mais à chaque âge, je définis le niveau d'amusement nécessaire pour me rendre heureux, tout en gardant mon compte rempli pour mes besoins et ceux de ceux qui m'entourent.

CS : Quels sont les experts, livres ou ressources qui vous inspirent personnellement et qui pourraient également bénéficier à nos lecteurs ?

JA : Mes parents, nos histoires de résistances (étonnant probablement), les premiers hommes qui ont fait les USA (Henry Ford, John D. Rockefeller, ...). Je lis beaucoup ! Donc difficile de citer des livres ici, mais je peux orienter en disant, je lis beaucoup de livres d'édification, de développement personnel, de philosophie, des histoires de chez nous, etc (je ne peux pas dire que tout est bon, mais je suis persuadé que c'est là que se trouvent les vérités). Actuellement, je suis en train de lire "Les 7 habitudes des gens qui réussissent tout ce qu'ils entreprennent" (Stephen Covey) si ça intéresse.

CS : Nous sommes à la fin de cet entretien. Merci Dr. John AOGA pour ce moment d’échange qui nous a beaucoup instruit. Avez-vous quelque chose d'autre à partager avec nos lecteurs ?

JA : Je pense avoir dit plein de choses qui nécessitent d'être intériorisées. Que chacun prenne ce qui le touche dedans... Ne nous décourageons pas, battons-nous et unissons-nous autour d'idéaux qui nous poussent en avant. Que la Force soit avec nous.

Légendes

CS : Collège de Savants

JA : John AOGA

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Rabelais Mahugnon Kpechekou

Passionné des Lettres, d'informatique et de musique, je suis analyste programmeur, développeur web et auteur du recueil de nouvelles Wanilo.

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4 Commentaires

SEIBOU MOHAMED
2024-03-05 23:44:23

J'ai beaucoup appris de ce entretiens. Une phrase que je retiens c'est " "j'ai mon diplôme donc le travail va suivre" est fini. Ça marchait au temps de nos parents parce qu'il y avait plus de boulots que d'hommes instruits, aujourd'hui ce n'est plus vrai. Aujourd'hui, il faut se battre pour se positionner.". Personnellement, Je pense qu'au delà des connaissances et des compétences que nous apprenons sur les bancs; les programmes universitaires devrait nous apprendre à "vendre" , promouvoir ou faire la publicité de ces atouts.

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SEIBOU MOHAMED
2024-03-05 23:44:21

J'ai beaucoup appris de ce entretiens. Une phrase que je retiens c'est " "j'ai mon diplôme donc le travail va suivre" est fini. Ça marchait au temps de nos parents parce qu'il y avait plus de boulots que d'hommes instruits, aujourd'hui ce n'est plus vrai. Aujourd'hui, il faut se battre pour se positionner.". Personnellement, Je pense qu'au delà des connaissances et des compétences que nous apprenons sur les bancs; les programmes universitaires devrait nous apprendre à "vendre" , promouvoir ou faire la publicité de ces atouts.

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Rabelais Mahugnon Kpechekou
2024-03-11 17:38:16

C'est tout à fait vrai. Je partage également ton avis.

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SEIBOU MOHAMED
2024-03-05 23:44:18

J'ai beaucoup appris de ce entretiens. Une phrase que je retiens c'est " "j'ai mon diplôme donc le travail va suivre" est fini. Ça marchait au temps de nos parents parce qu'il y avait plus de boulots que d'hommes instruits, aujourd'hui ce n'est plus vrai. Aujourd'hui, il faut se battre pour se positionner.". Personnellement, Je pense qu'au delà des connaissances et des compétences que nous apprenons sur les bancs; les programmes universitaires devrait nous apprendre à "vendre" , promouvoir ou faire la publicité de ces atouts.

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